Mes débuts : de curiosité à profession
« La curiosité est un vilain défaut. »
Du moins c’est ce qu’ils disent.
J’ai toujours voulu être bilingue.
C’est à l’âge où on comprend que les adultes se doivent de travailler pour vivre, avant même qu’on ne me pose cette horrible et apparemment inévitable question « Que voudras-tu faire quand tu seras grande? », que j’appris quelle profession exerçait ma marraine. Son travail était considéré par beaucoup comme étant un boulot de rêve; pour simplifier, son gagne-pain était de voyager dans le monde et de se prélasser dans tous les plus beaux endroits que les pays avaient à offrir. Voila tout.
Même aujourd’hui, je ne suis pas tout à fait sûre de pouvoir déceler ce qui était vrai de ce qui ne l’était pas.
À l’époque, je pensais que le seul obstacle qui s’opposait à ce que je conquisse le monde de cette façon était mon incapacité à parler anglais (ça et le fait que j’avais seulement 8 ou 10 ans). Alors quand je reçus mes premiers cours d’anglais, je me mis à écouter attentivement, à apprendre… et à espérer que ce soit plus facile!
Et tout à coup: « Que voudras-tu faire quand tu seras grande? » Et oui, c’était inévitable!


C’est à ce moment que la faculté de droit d’Aix-en-Provence vint à ma rescousse : des sujets inconnus et un savoir qui s’avérerait utile dans la vie courante. Ma curiosité prit donc le dessus et je me vis embringuée dans cette filière. Mais, après trois années de travail acharné, le temps de changer de voie se fit à nouveau sentir.
Une nouvelle aventure apparaissant à l’horizon, quelque chose d’imposant, de magistral et d'irresistible fit sentir sa présence : le Canada, traînant dans son sillage un monde incroyable de langues, de cultures et de contrées sauvages!
Plus je m’avançais dans l’ouest de ce vaste pays, plus la culture devenait anglophone, le français s’effaçant petit à petit, et partout, en permanence, je pouvais apercevoir ces autres cultures, à la fois ensorcelantes, fascinantes, fortes et en voie de disparition, celles des Premières Nations, unies et diverses. Une année ne fut pas suffisante pour répondre à mes nombreuses questions et satisfaire ma curiosité à propos de toutes ces cultures et langues; alors de retour en France, je demandais le doit d’immigrer au Canada.
Devenue accro à la langue anglaise, la parler et l’entendre me manquant, de même que faire travailler cette autre région de mon cerveau éveillée pour une année seulement, je partis pour l’Écosse. Là-bas, en plus de parler anglais, je vis et appris une fois de plus à vivre différemment, ainsi qu’à reconnaître et à apprécier une autre culture.
Je réussis à m’en sortir en répondant un simple et efficace « Je ne sais pas », et je continuai à étudier. J’étais douée en math et en chimie, et je m’émerveillais de la facilité avec laquelle je résolvais les problèmes écrits dans cette étrange langue faite de signes; alors c’est la voie que je suivis.
Cependant, vint le moment de vraiment décider ce que je voulais faire de ma vie. J’avais 18 ans et aucune carrière en vue : tellement de choix! Comment choisir une voie et la suivre toute ma vie?
Ce fut six mois incroyables, passés à étudier la littérature écossaise et à découvrir la campagne, à vivre entre Édimbourg et le Kingdom of Fife, connu pour ces cours de golf, mais apprécié par moi-même surtout pour le calme qui y règne et ses généreux habitants. Je me pris de passion pour les romans gothiques du XIX siècle écris au sein de cette même brume qui m’entourait, pour les Highlands, terre de Walter Scott et de sa Dame du lac, et pour le plaisir du Scotch et du haggis en compagnie de ces Écossais si amicaux.

Une fois les administrations française et canadienne satisfaites de mon passé, de mon présent et de mon éventuel futur, une fois toutes les formalités finalement remplies, je retournais au Canada, sur sa côte ouest, à Vancouver. C’est seulement quelques années plus tard que mon ami eut l’idée brillante d’étudier la traduction et de faire de cette passion des langues et des cultures notre profession. Après un peu de recherche, nous étions en bonne voie pour être certifiés en traduction par l’Université de Saint-Boniface de Winnipeg, au Manitoba.

Et voici comment d’un passé tumultueux, d’errance et de curiosité, je retournais vers mon idée première :
Parler anglais.
Voyager autour du monde.
Comprendre des cultures diverses et variées
et aider les mots à franchir
les frontières